ANNA

De KORALNIK Pierre
Réalisation : KORALNIK Pierre
Avec : Pilar Castel, Jane Fonda, Louis Waldon

Durée : 1h 30min
Genre : Comédie musicale
Pays : FI



Synopsis
Anna débarque à Paris. Lorsqu'elle descend du train, Serge, directeur d'une agence publicitaire, tombe immédiatement amoureux d'elle. Dans l'espoir de la retrouver, il fait agrandir et imprimer l'unique photo d'elle dont il dispose, pour la coller dans toutes les rues de la capitale sans réaliser qu'il la croise pourtant tous les jours...

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Dans le cadre de

Sortie en salles d’un quasi-inédit de 1967, Anna, comédie musicale avant-gardiste réalisée pour la télévision par Pierre Koralnik, mise en musique et en chansons par Serge Gainsbourg, et incarnée par Anna Karina. Un jalon oublié de l’« agit-pop » à la française sous influence nouvelle vague.

En 1966, pendant que l’Américain Sidney Lumet tourne à Londres M15 demande protection, thriller d’espionnage en camaïeu vert-de-gris avec une escouade de « vieux », le Franco-Suisse Pierre Koralnik lâche une bande de « jeunes » en accoutrements multicolores dans les rues de Paris, au son des rythmes syncopés de Serge Gainsbourg, pour la comédie musicale Anna.

Une folie bariolée contrastant avec l’arrière-plan haussmannien, placée sous le signe du happening, du pop art et de la provoc pré-soixante-huitarde. Dans cette farce qui pousse les acquis de Jacques Demy dans leurs retranchements avant-gardistes, le parlé-chanté gainsbourien est roi, scandé par Anna Karina, dans le rôle-titre, Jean-Claude Brialy et Gainsbourg lui-même. Soit un prolongement naïf et déstructuré de Pierrot le Fou, de Godard, sorti en 1965, où Karina reprend jusque sur les plages de la Manche son personnage de gentille évaporée.

Aux antipodes des « musicals » hollywoodiens, Anna est une sorte de néo-Cendrillon mais avec un twist, époque oblige. Brialy est le jeune premier, Serge, ersatz moderne du prince, accessoirement directeur d’agence de pub, qui découvre une beauté fatale sur une photo et sillonne Paris pour la retrouver. Le twist est tout simplement qu’en fait l’intéressée évolue sous les yeux de Serge, dans son agence ; mais il est fasciné juste par une image. D’où une légère réflexion sur l’iconolâtrie moderne qui fait écran à la réalité elle-même. Mais cela reste un prétexte, peu développé dans le récit.

Le tube gainsbourien Sous le soleil exactement

Ce caractère virtuel de l’intrigue la prive de la love story en bonne et due forme des contes de fées et des musicals hollywoodiens. L’enjeu ici est avant tout esthétique, cinétique, optique ; il consiste à faire surgir la couleur, les formes et les mouvements les plus débridés dans la rue au milieu de la monotonie quotidienne – par exemple dans la gare de l’Est parisienne.

C’est en définitive un happening pop émaillé par les chansons de Gainsbourg – dont certaines massacrées par Jean-Claude Brialy, qui est tout sauf un chanteur. Anna Karina non plus, mais elle, plus douée, tire son épingle du jeu dans plusieurs numéros, dont le mémorable Roller Girl ou bien dans son inoubliable tube gainsbourien Sous le soleil exactement.

Quant au maestro, il veille au grain, tant au son qu’à l’image, puisqu’il tient un rôle secondaire. Idem pour Marianne Faithfull, dont on regrette la brièveté de l’apparition : véritable elfe du film, l’Anglaise chante merveilleusement en français Hier ou demain.

Cette œuvre fascinante par ses disparités mêmes et ses imperfections était au départ une œuvre pionnière : le premier téléfilm en couleurs, de surcroît tourné en 35 mm, d’où sa qualité visuelle, étayée par un filmage moderne style reportage, jouant du téléobjectif et de nombreux effets. Un objet rare, pulsé par les dialogues-ritournelles de Gainsbourg, qui condense les audaces et expériences d’une époque ludique et impulsive. Un sommet de la french pop.

L’Humanité