ANOTHER END
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Présenté à la Berlinale 2024, Another End imagine un futur où les morts peuvent revenir… par transfert mémoriel. Une fable douce-amère sur le deuil, magnifique, mais pourtant incertaine dans son acceptation finale.
Dans un futur proche, après un accident de la route, Sal accepte d’implanter les souvenirs de sa compagne décédée dans le corps d’une autre femme via une compagnie spécialisée dans l’acceptation du deuil. Avec Another End, le réalisateur italien Piero Messina signe un film de science-fiction très éloigné des clichés du genre, sans technologie clignotante, mais avec une approche intimiste et pudique, où il prend le temps de regarder ses personnages dans les yeux et nous toucher par sa sincérité et sa beauté formelle.

Coproduction européenne entre l’Italie, la France et le Royaume-Uni, Another End s’inscrit dans une tradition purement humaine du cinéma d’auteur européen, délaissant de la SF habituelle, presque secondaire, pour se concentrer sur les visages, les silences, l’intime. Piero Messina, qu’on avait découvert avec L’Attente (L’Attesa avec Juliette Binoche), coécrit le film avec Giacomo Bendotti, Valentina Gaddi et Sebastiano Melloni, pour donner cet aspect à la fois intime et universel. Ainsi le métrage reste ancré face à l’humain, dans les émotions brutes, et parle à tout le monde, à ceux qui ont perdu quelqu’un comme à ceux qui aimeraient retenir un peu plus longtemps les gens qu’ils aiment.
Eternal Sunshine of the Spotless Mind
L’une des forces du film, c’est de nous parler d’un futur sans jamais le montrer. Ni hologrammes, ni IA omniprésente, ni gadgets lumineux. Même la carte de visite de l’entreprise Another End est une simple feuille pliée en origami. Ici le monde n’a pas changé, mais l’humain, oui. Ce choix de mise en scène, d’une rare sobriété, donne au film une sensation de rêve éveillé où la photographie de Fabrizio La Palombara joue sur les focales, les flous, les arrière-plans brumeux. L’image paraît parfois voilée, comme effacée par les larmes ou les souvenirs et le film épouse le trouble de son protagoniste, jusqu’à rendre la réalité elle-même incertaine. Entre résurrection, hallucination ou un dernier rêve, tout se mêle délicieusement.
Cette esthétique mémorielle, quasi-surréaliste, sublimée par la BO électronique de Bruno Falanga, donne au film une douceur étrange, celle d’un cocon aseptisé. Fascinant mais un peu terrifiant également. Alors, la narration épouse ce même mouvement et se fait elle-même lente, sinueuse et enveloppante, presque oppressante. Another End ne cherche jamais l’explication, mais plutôt l’émotion, et le fait avec une tendresse infinie. Car si le film pose les questions sur le deuil, il explore aussi ce qui nous pousse à le nier en développant un propos sur le besoin maladif de contrôle sur la mort, notre incapacité à accepter l’absence. Si aimer s’apparente à comment apprendre à laisser partir l’être aimé, jusqu’où serions-nous prêts à aller pour ne pas perdre ce(ux) qu’on aime ?

Porté par un casting aussi inattendu que pertinent, Another End trouve dans ses interprètes la meilleure manière de raconter cette tristesse universelle. Gael García Bernal, tout en regards fuyants et gestes retenus, compose un protagoniste bouleversant de vulnérabilité. Renate Reinsve, dans un rôle ambivalent, est encore une fois magistrale alors qu’elle interprète à la fois la femme aimée et son miroir, via un jeu tout en nuances et d’une grâce infinie. Autour d’eux, Bérénice Bejo incarne la sœur protectrice avec justesse et sobriété, dont les accents, espagnols et britanniques, renforcent encore l’universalité du récit. Du beau monde pour un douloureux postulat.
Another End est un film précieux, qui ose aborder la mort sans pathos, sans effets, avec une infinie délicatesse au coeur d’un récit universel, d’une douleur intime. Messina signe ici un film qui nous regarde en face, et qui ne nous quitte pas.
L’info Tout Court