CASSANDRE
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« Cassandre » : l’inceste capturé avec réalisme dans une autofiction suffocante de la réalisatrice Hélène Merlin
Cassandre, c’est l’histoire d’un inceste prévisible et inévitable. Un atavisme transmis de génération en génération dans une famille gangrenée par le vice. Sous le soleil suffocant de l’été 1998, la réalisatrice Hélène Merlin glisse un grain de sable dans cette machine infernale.
L’histoire : C’est l’été, Cassandre quitte sa pension militaire pour retrouver sa famille le temps des vacances. Âgée de 14 ans, la jeune fille est la benjamine d’une famille bourgeoise, enfant favorite de son père et cavalière aguerrie. Sur place, la puberté de l’adolescente est au cœur des discussions de cette étrange famille et fascine son frère aîné. L’adolescente fuit cette atmosphère suffocante grâce au centre équestre où elle s’émancipe de la loi du père.
Un long-métrage à vif porté par l’époustouflante Billie Blain, à l’écran avec Zabou Breitman et Éric Ruf.
Dans la mythologie grecque, Cassandre, fille du Roi Priam, se voit offrir le don de prophétie par Apollon à condition qu’elle s’offre à lui. Face au refus de la jeune princesse, le dieu la punit et fait en sorte que les prédictions de Cassandre ne soient jamais crues, même par sa famille. Dans le film d’Hélène Merlin, l’inceste subit par Cassandre est presque prophétique.
Depuis la naissance de la jeune fille, toutes les conditions sont réunies pour permettre un tel crime. Une mère féministe, anarchiste et antimilitariste, élevée dans la promiscuité des foyers modestes. Soixante-huitarde invétérée adepte du slogan : « Il est interdit d’interdire. » Un père militaire, mâle alpha par excellence, enfant de chœur élevé en pension chez les prêtres pédophiles.
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Le père et la mère forment un mariage charivarique entre deux branches altérées qui charrient les tares de deux milieux radicalement opposés. Cassandre, la fille de son père et Philippe, le fils de sa mère évoluent dans une famille incestuelle et incestueuse où la nudité est pratique courante, l’intimité inexistante, le sexe omniprésent et la culture du viol constante. La liberté du laisser-faire et le tabou d’« il faut se taire » occasionnent un foyer malade et endogame qui rappelle l’ouvrage autobiographique de Camille Kouchner, La Familia grande.
Comme un soldat dans les tranchées, Cassandre sent la menace et fonce droit vers l’inévitable danger. Des scènes d’inceste qu’Hélène Merlin réalise avec beaucoup de réalisme, mais sans crudité. La réalisatrice met le spectateur à la place de Cassandre, en plein clivage qui observe la scène d’en haut. Cette partie d’elle-même, détruite par l’inceste, est symbolisée par une poupée qu’adulte, Cassandre cajole et répare. « Je lui ai donné ce qu’il voulait, pour qu’on n’en parle plus. Trente ans plus tard, j’en parle encore », chuchote-t-elle.
Un traumatisme familial
Contrairement à de nombreux récits de violences sexuelles, Cassandre parle et dénonce les faits commis par son frère, une force qu’elle puise dans l’environnement sain et aimant du club équestre. C’est alors une cascade de traumatismes qui déferle sur elle. La mère et le père révèlent à leur tour dans des conditions atroces des viols subis à l’enfance, au travail, et des incestes dont ils sont les témoins et les victimes, et attendent d’elle l’abnégation. Loin de libérer la parole, ces révélations tentent d’emprisonner Cassandre dans un destin familial où les victimes deviennent les futurs complices, si ce n’est les bourreaux de ces crimes.
Les dessous d’une mécanique des ombres éclatent pour laisser dire l’indicible, alors qu’en France une personne sur dix est victime d’inceste (sondage Ipsos, 2020). Dans une atmosphère fétide, Hélène Merlin fait l’anatomie d’un inceste, dans ce qui ressemble à un roman d’Émile Zola. La réalisatrice dresse le portrait d’une famille altérée, sorte de Rougon-Macquart des temps modernes, où l’hérédité entraîne son lot de traumatismes, transmis sans exception de génération en génération. Une autofiction qu’elle livre dans un message d’espoir pour enrayer la machine de l’inceste et briser la répétition du traumatisme familial.
France Info Culture