LA CHAMBRE DE MARIANA

De Emmanuel Finkiel
Réalisation : Emmanuel Finkiel
Avec : Mélanie Thierry, Artem Kyryk, Julia Goldberg

Durée : 2h 11min
Genre : Drame, Historique
Pays : FR

Avertissement : Avertissement Jeune Public

Synopsis
1943, Ukraine, Hugo a 12 ans. Pour le sauver de la déportation, sa mère le confie à son amie d’enfance Mariana, une prostituée qui vit dans une maison close à la sortie de la ville. Caché dans le placard de la chambre de Mariana, toute son existence est suspendue aux bruits qui l’entourent et aux scènes qu’il devine à travers la cloison…
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“La Chambre de Mariana” : Mélanie Thierry prodigieuse dans ce film audacieux et bouleversant

1943, Ukraine. Une prostituée cache un garçon juif dans une maison close. Et Emmanuel Finkiel les emmène des ténèbres vers la lumière. Poignante adaptation d’un roman d’Aharon Appelfeld.

 

Mélanie Thierry, sidérante d’intensité, et Artem Kyryk, une révélation.

Un homme guide une femme et un garçon, une valise à la main, dans les égouts, puis les abandonne au seuil de l’obscurité en leur souhaitant « Bonne chance ». La scène d’ouverture, puissamment symbolique, de La Chambre de Mariana évoque la traversée du Styx. Mais les apparences sont trompeuses. Car si la mère et son jeune fils en fuite semblent disparaître dans le noir, c’est pour mieux ressurgir au détour d’une rue déserte, dans la nuit à peine éclairée. Comme si, en un saisissant raccord de montage, Emmanuel Finkiel annonçait le mouvement général de son film : des ténèbres les plus absolues vers le début de la lumière…

Nous sommes en 1943, dans le nord de la Bucovine, une région roumaine désormais en territoire ukrainien occupé par les nazis. Hugo (la révélation Artem Kyryk), enfant unique d’un couple de pharmaciens juifs, a 11 ans. Pour le sauver de la déportation, sa mère décide de le confier à son amie d’enfance, Mariana (Mélanie Thierry), devenue prostituée. La « fille de joie » va, pendant près de deux ans, et au péril de sa vie, cacher le préadolescent dans le cagibi de sa chambre, au sein d’une maison close fréquentée principalement par les soldats allemands.

S’attaquer à un roman inadaptable

Il fallait une audace folle pour porter à l’écran le roman d’Aharon Appelfeld, inspiré par sa jeunesse tragique. Car La Chambre de Mariana est un livre au récit délibérément répétitif, dont l’essentiel de l’action se déroule dans le huis clos d’un réduit de deux mètres carrés. Emmanuel Finkiel, cinq ans après avoir « surmonté » La Douleur de Marguerite Duras, autre classique de la littérature réputé inadaptable, a relevé le défi. Sans concession à la facilité, et avec brio. Le cinéaste ne quitte pratiquement jamais le point de vue de son jeune héros et sa perception fragmentée du réel à travers les interstices de sa cachette. Des activités tarifées de sa protectrice, Hugo n’entend que des soupirs étouffés et les insultes des clients. De la persécution de la communauté juive, il ne voit, à travers les fenêtres au verre dépoli, que de brefs instantanés un peu flous des arrestations dans la rue.

Si l’image au format carré renforce l’impression d’enfermement, Emmanuel Finkiel ouvre néanmoins son film vers le conte quand Hugo s’évade dans ses souvenirs ou dans ses fantasmes. Et substitue à son regard un monde qui s’accorde à ses désirs. Dans des scènes magnifiques, déchirantes, le garçon reconstitue le décor du salon de ses parents, déplaçant par la pensée une chaise au beau milieu de la rue. Il convoque l’image (le fantôme ?) de sa chère amie d’école, Anna, pour dialoguer avec elle et éprouver le frisson d’un premier baiser. Ou revit son dernier anniversaire en famille, les convives applaudissant en silence pour ne pas attirer l’attention des soldats qui mènent une rafle dans le quartier.

Telerama