L’ATTACHEMENT
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Pour adapter le roman d’Alice Ferney, L’Intimité, Carine Tardieu a choisi la sérénité. Et raconte avec beaucoup de tact le quotidien mouvementé d’un jeune veuf tout juste devenu père, aidé par sa voisine.
Si on lui avait dit ça. Sandra (Valeria Bruni Tedeschi) n’a jamais voulu d’enfant. Trop indépendante pour ça. Cette libraire mène sa vie comme elle l’entend. Cela ne va pas sans une certaine solitude. Elle fume comme un pompier, traîne en jogging dans son appartement. La belle vie, quoi. Les choses vont changer. Sa voisine de palier meurt durant un accouchement.
Voilà la quinquagénaire jouant les mères de remplacement avec le petit Elliot. Le veuf, Alex (Pio Marmaï), est dépassé par les événements. Le gamin sonne sans cesse à la porte de Sandra qui s’agace, soupire, lève les yeux au ciel, avant de s’attendrir. Il est marrant, ce garçon. Il n’arrête pas, court partout, pose un tas de questions, critique ses peintures. Cela fait circuler le sang. Elle qui ne s’embarrassait de rien ni de personne, quelle révolution !
Le culot d’Elliot est charmant, son naturel confondant. Il ne se rend pas compte. Entre les deux, le courant passe. Sandra fond. Cette féministe ne peut pas être complètement mauvaise, puisque ses engagements ne l’empêchent pas d’aimer Blanche-Neige. La baby-sitter malgré elle et le papa dévasté qui se retrouve avec un bébé sur les bras se frôlent, se rapprochent. Ils flirtent, ont peur d’aller trop loin. Leurs sentiments se mélangent les pieds.
En adaptant avec une grande sûreté L’Intimité, le roman d’Alice Ferney, Carine Tardieu ne rate pas son coup. Elle sait ce qu’elle fait. L’Attachement est un film paisible, d’une sérénité douce. Pas de grands mots, aucune emphase : juste le quotidien, les petits emmerdements et les gros malheurs. Il faut donner le biberon à Lucille, apprendre à survivre au chagrin et aux nuits blanches. Comment annoncer de mauvaises nouvelles à des enfants ?
Justesse absolue
Cela réclame du tact, de la psychologie. La réalisatrice n’en manque pas. Elle est capable de nous inviter à un pique-nique improvisé, à un dîner avec une maman à la liberté en bandoulière (Marie-Christine Barrault, tout sourire et je-m’en-foutisme). On assiste à une conversation avec un ex (Raphaël Quenard méconnaissable avec sa moustache), à un mariage où il s’agit de danser sur les Pretenders, ce qui permet d’oublier un instant la tragédie. Ces rituels ponctuent l’existence. Sans eux, elle serait intenable. Il y a aussi un anniversaire, une fausse couche, un voyage en Scandinavie. On croise Vimala Pons venue de Roumanie.
Sandra et Alex avancent. Il lui passe tout, même un discours un peu trop théorique, dans une grange, qui aurait le don de faire fuir n’importe qui d’autre. L’écran résonne de rires et de complicité. Les secrets s’y chuchotent. Les larmes sont furtives. Valeria Bruni Tedeschi a mis des lunettes qui semblent avoir sur elle un effet calmant. Elle est d’une justesse absolue. Pio Marmaï est un bloc de douleur, avec sa barbe de trois jours, son regard de chien abandonné. Il n’y arrive pas. Il est sûr qu’il n’y arrivera pas. Le passé lui reste coincé dans la gorge. L’avenir est là, pourtant, Alex. Il attend.
Le Figaro