LE BEAU ROLE
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Scénariste remarqué pour son travail, notamment, sur les séries Platanes et surtout Dix pour cent, Victor Rodenbach fait ses débuts à la mise en scène dans l’exercice très complexe de la comédie sentimentale. Il choisit de regarder un couple d’une trentaine d’années, Nora, metteuse en scène de théâtre, et Henri, acteur. Tous deux vivent et travaillent ensemble, dans une symbiose qui se conjugue tant dans l’affectif que dans la scène et le spectacle. Le film commence à ce moment précis où l’un des deux membres de ce couple décide de prendre une initiative et de tenter une aventure loin de l’autre. Henri se rend à Paris pour un casting, pendant que Nora développe sa nouvelle pièce dans l’Est de la France. Cette infidélité créative ne devrait pas impacter leur histoire et pourtant c’est une fêlure dans l’édifice de leur relation, qui va finir par se craqueler et remettre en cause plusieurs années de vie commune.
Au premier abord, il est question d’art, de cinéma et de théâtre dans Le beau rôle. Pourtant, rapidement, on se rend compte que si la passion qui les anime est le cadre de l’histoire, le centre en est la difficulté de bâtir une relation amoureuse et de continuer à s’aimer les années passant. Être chaque heure et chaque minute ensemble, dans des projets artistiques, est quelque part la fondation qui a permis à ce couple de durer. Quand cette base disparaît ou est remise en question dans sa pérennité, on réalise à quel point cette « maison » n’était qu’un château de cartes instable, fragile, qui demandait à être surveillé constamment. L’auteur prend grand soin à ne pas rythmer son film par des clichés trop évidents : la douleur est lourde, aucun des deux ne passe véritablement à autre chose en un instant, et la tromperie n’est pas la conséquence immédiate de la rupture.
L’écriture est en cela complexe et interroge sur le sens à donner à l’amour que l’on donne. Le personnage même de François, joué par Jérémy Laheurte, n’est pas qu’un lieu commun, l’acteur célèbre égoïste qui se jouerait du pauvre camarade débutant et fragile. Si certains aspects de François rentrent dans ce cadre, c’est pour mieux le fuir, dans une économie entre ce que l’on donne et ce que l’on prend qui est signifié par Henri lui-même. Cette accusation d’opportunisme, envers celui qui lui a offert la chance de jouer au cinéma, n’est pas un jugement du cinéaste. On se rend vite compte que c’est plus la douleur et la perte de l’amour qui poussent Henri vers l’amertume, qu’un archétype de protagoniste et de situation bien pratique.
La force de son histoire, au-delà de cette écriture plutôt maligne, est avant tout à trouver du côté de ses deux acteurs principaux, la toujours exceptionnelle Vimala Pons, mais aussi William Lebghil, qui prouve après La vie de ma mère (2024), qu’il peut être bon dans des rôles nécessitant une palette de jeu subtile et complexe. Dès que Nora est face à Henri, une énergie communicative se crée, envahissant tout le plan de sa belle alchimie. Les dialogues sont bons et l’investissement de chacun et chacune est palpable pour faire fonctionner ce couple fusionnel et passionnel à son maximum. Que ce soit dans leurs mots ou dans des situations muettes, il se passe clairement quelque chose entre ces deux acteurs dont le plaisir de jouer crée littéralement le film.
Le film est aussi drôle, dans une légèreté enthousiasmante, que ce soit dans un face à face amoureux, ou dans une situation de troupe, où l’on ressent la connivence entre des personnes qui travaillent ensemble depuis de nombreuses années. Le beau rôle est donc une belle comédie moderne, qui réfléchit avec habileté et intelligence sur l’amour qui, du mot même de Vimala Pons, est un travail dur et constant, qui nécessite beaucoup d’abnégation au quotidien pour qu’il dure et fonctionne. Gageons que tout ce travail, ressenti fortement dans le film, saura donner un succès mérité à ce Beau rôle.
Le Bleu du Miroir