LETTRES SICILIENNES
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« Lettres siciliennes » : un film dans les méandres de la cavale d’un chef mafieux
Les cinéastes italiens Fabio Grassadonia et Antonio Piazza font une audacieuse analyse sur la place de la mafia sicilienne dans le système politico-social italien en s’inspirant de faits réels.
Lettres siciliennes, qui sort en salles mercredi 16 avril, est la chronique d’une opération contre la mafia qui en dit, encore une fois, long sur sa place en Italie. Le récit de la traque de Matteo, chef mafieux en cavale que les services secrets italiens espèrent arrêter grâce à l’aide d’un ancien politicien proche de la mafia, est une allégorie. Mieux, une incursion dans la façon dont on préserve « un équilibre précaire et vital » dans « les entrailles » de l’Italie. Les réalisateurs du long-métrage, Fabio Grassadonia et Antonio Piazza, suggèrent d’explorer la dimension « patrimoniale » de la mafia.
Après Salvo (2013) et Sicilian Ghost Story (2017), Lettres siciliennes est le troisième volet d’une trilogie sur la mafia sicilienne. Les auteurs se sont librement inspirés de l’histoire de Matteo Messina Denaro dont la cavale a duré trois décennies. Il échangeait avec l’ancien maire de son village, approché par le renseignement italien, des « pizzini » (petits morceaux de papiers littéralement, mais qui sont des missives) distribués selon un système complexe mis au point par la mafia. Dans le film, Catello Palumbo (Toni Servillo), qui vient de sortir de prison, est l’appât pour rentrer en contact avec Matteo (Elio Germano), le mafieux. Il accepte d’aider les services secrets parce qu’il espère que le caïd soutiendra son projet d’hôtel dont la mairie de sa ville menace de raser les premières pierres.
Le dernier film du duo Grassadonia/Piazza démarre dans l’œil d’une chèvre, figure symbolique dans le récit, tout comme L’Éphèbe de Sélinonte, cette œuvre d’art transmise de génération en génération dans la famille mafieuse de Matteo et qui existe dans la réalité. Les scènes où chacun écrit ses pizzini alternent avec celles du quotidien des deux protagonistes.
Catello multiplie les manigances, Matteo essaie d’occuper les longues journées de sa vie de reclus en reconstituant un immense puzzle. Son présent est peuplé d’images du passé : celles de son père faisant de lui un apprenti mafieux. Les reconstitutions illustrent la variété des ambiances photographiques dans Lettres siciliennes. On se joue souvent des couleurs et des clairs-obscurs dans le film.
Des femmes puissantes dans l’ombre des machos
Pour donner un peu de chair au face-à-face épistolaire entre Matteo et Catello, les cinéastes italiens les multiplient à l’intérieur de l’intrigue comme un écho. Les personnages se parlent alors de très près, mais beaucoup moins sereinement. Pis, les menaces fusent.
Et si les hommes ont les premiers rôles dans l’histoire, ils se font finalement voler la vedette par les femmes. Dans ce monde saturé de testostérone, ce sont elles qui semblent avoir le dernier mot : l’inspectrice Mancuso, Madame Russo – qui héberge Matteo –, la sœur du mafieux Stefania, qui souligne combien les gens se tournent vers la mafia pour régler les petits soucis du quotidien, ou encore l’épouse de Catello.
Lettres siciliennes est une longue démonstration, parfois trop esthétisante et qui ronronne quelque peu, mais le propos et la chute valent largement le détour. L’approche de Fabio Grassadonia et d’Antonio Piazza ainsi que leurs ultimes images constituent une perspective audacieuse sur les liens (inavouables) entre la mafia sicilienne et la société dans laquelle elle prospère.
France Info Culture