NOUVELLE VAGUE

De Richard Linklater
Réalisation : Richard Linklater
Avec : Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin

Durée : 1h 46min
Genre : Comédie
Pays : FR



Synopsis
Ceci est l’histoire de Godard tournant « À bout de souffle », racontée dans le style et l’esprit de Godard tournant « À bout de souffle ».

Réservation : pour acheter votre place à l’avance, cliquez sur l’horaire de la séance

[tableau_seances_combine]

Richard Linklater explose l’image intello de la Nouvelle Vague avec un film à la fois savant et distrayant.

Dans ce nouveau long-métrage, Richard Linklater, l’audacieux cinéaste de Slacker (1991) et de Boyhood (2014), livre l’anatomie joyeuse d’À bout de Souffle, le premier film de Jean-Luc Godard. Ce long-métrage, en compétition au Festival de Cannes 2025, est un petit régal, aussi tendre que didactique, qui donne la mesure de la révolution dans le 7e art impulsée par ce film mythique. Il sort en salle mercredi 8 octobre.

1959, Jean-Luc Godard est critique aux Cahiers du cinéma, où il côtoie Chabrol, Rivette, Truffaut, Rohmer… Bref, tous ceux qui deviendront les chefs de file du renouveau cinématographique des années 1960, qu’on appellera la Nouvelle Vague. Jean-Luc Godard, connu pour ses critiques acides, rêve de devenir réalisateur, mais à presque 30 ans, il n’a toujours pas passé le pas, et il a le sentiment d’avoir « raté la vague ».

Le producteur Georges de Beauregard lui donne enfin sa chance, pour un premier film sur lequel il lui impose (sans avoir besoin d’insister, ce sont ses amis) Truffaut au scénario et Chabrol comme conseiller artistique. Godard rêve de Jean Seberg pour son héroïne, il l’aura. Il a promis un premier rôle à Belmondo, un boxeur qu’il a déjà fait tourner dans un court-métrage, il tiendra parole. Une fois le scénario écrit (à quatre mains dans le métro avec Truffaut), le tournage peut commencer.

Godard suit à la lettre les conseils de son mentor Roberto Rossellini : tourner vite. « Le cinéma ne doit pas être quelque chose de mystique », déclare-t-il au cercle de « cinémaniaques » des Cahiers du cinéma. « Des notes plutôt qu’un scénario », « s’arrêter de tourner quand on n’a plus d’inspiration ». À cela, le jeune cinéaste, qui a en tête de révolutionner le 7e art, ajoute ses propres règles, ou plutôt, envoie valser toutes les règles. « Ce n’est pas en suivant les règles que je vais arriver où je veux aller », argue-t-il quand on tente de le remettre dans les rails.

« Capturer l’instantané, l’inattendu »

Le jeune cinéaste réinvente tout. Il choisit une caméra mobile sans synchronisation sonore tenue par un chef opérateur habitué aux terrains de guerre. Il donne le texte au dernier moment aux acteurs et se passe de répétition. (« Plus on répète, plus on s’éloigne de la vie »). Il s’affranchit des contraintes liées aux raccords (« La vie n’est pas raccord »), et n’hésite pas à tourner des plans lumière pleine face (« Je veux que la pellicule souffre, qu’elle aussi soit à bout de souffle »).

Pas de maquillage non plus pour Jean Seberg, qui proteste. « Déjà que mes vêtements viennent de Prisunic, est-ce que je ne pourrais pas au moins me maquiller ? ». Godard ne respecte pas les plannings (« Ah bon, il y a des plannings ? »), interrompt les journées de tournage au bout de deux heures, se fait porter pâle quand il « n’a plus d’idées ».

L’équipe se moque, s’adapte. Même si Jean Seberg manque de quitter le tournage plusieurs fois, et que le producteur s’arrache les cheveux, Godard maintient son cap. « La question n’est pas de savoir où je prends les choses, mais où je les emmène », assène le réalisateur, amateur de citations et de formules qui font mouche. Ce qu’il veut, dit-il, c’est « capturer l’instantané, l’inattendu ». Belmondo y apporte sa joie et sa grâce. Le tournage s’achève.

La question du montage est résumée par Richard Linklater en deux phrases et trois plans. C’est suffisant. On a compris la méthode Godard : faire systématiquement le choix du contre-pied. Il ne coupera aucune scène, mais « dans les scènes, ça fera avancer l’histoire au bon rythme ». Au diable les sautes à l’image : « Le public acceptera notre nouvelle vérité », se persuade Godard. « Les artistes et les criminels veulent surprendre. » Le cinéaste a si bien réussi son coup que son film est devenu l’emblème de la Nouvelle Vague, « l’un des films les plus importants de l’histoire », estime Linklater.

Le génie de Godard

Dans une réalisation bien rythmée, images en noir et blanc sur des airs de jazz et un casting bien troussé (des inconnus ayant avec les personnes ayant existé juste ce qu’il faut de ressemblance), le réalisateur américain réussit à nous faire comprendre en moins de deux heures l’ampleur de la révolution à l’œuvre au cours de ces vingt jours de tournage.

Lui-même « cinémaniaque » (il avait déjà rendu hommage à Orson Welles, en 2009), Linklater ne cède pas à la tentation de faire un film de spécialiste pour des spécialistes, mais livre une comédie réjouissante dans laquelle on perçoit l’effervescence et la richesse de cette époque portée par un vent de liberté, qui annonce les révolutions sociales et politiques à venir.

« J’avais envie de filmer cette révolution » confie Richard Linklater, le réalisateur de « Nouvelle vague »

En portant un regard amusé, un brin moqueur, sur Godard, il désacralise ce monument du cinéma mondial, tout en mettant en lumière de manière éclatante son génie, sans oublier de montrer à quel point le cinéma est une affaire d’équipe, avec une belle place ici pour chacun de ceux qui ont participé à la fabrication de ce film devenu culte. Au début de l’histoire, Jean-Luc Godard, lunettes de soleil sur le nez dans une salle obscure, est un spectateur du cinéma des autres. À la fin, le même plan, cette fois son film dans le reflet de ses lunettes. La boucle est bouclée. Avec cette déclaration d’amour au cinéma, Linklater nous offre une pure régalade.

France Info Culture

Affiche du film "Nouvelle Vague" de Richard Linklater, en compétition dans la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 8 octobre 2025. (ARP)