UNE BATAILLE APRES L AUTRE

De Paul Thomas Anderson
Réalisation : Paul Thomas Anderson
Avec : Leonardo DiCaprio, Teyana Taylor, Sean Penn

Durée : 2h 42min
Genre : Action, Drame, Thriller
Pays : US

Avertissement : Avertissement Jeune Public

Synopsis
Ancien révolutionnaire désabusé et paranoïaque, Bob vit en marge de la société, avec sa fille Willa , indépendante et pleine de ressources. Quand son ennemi juré refait surface après 16 ans et que Willa disparaît, Bob remue ciel et terre pour la retrouver, affrontant pour la première fois les conséquences de son passé…

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Le réalisateur épingle les dérives extrémistes de l’Amérique d’aujourd’hui dans un film qui cache derrière une mise en scène spectaculaire un propos profondément humaniste.

Dans un film qui mélange les genres, le réalisateur américain Paul Thomas Anderson met en scène une révolution dans une Amérique qui ressemble fortement à celle de Trump. Adaptation libre de Vineland, le roman de Thomas Pynchon paru en 1990, Une bataille après l’autre est un des films américains les plus attendus et des plus chers de cette rentrée. Porté par un éclatant casting, de Leonardo DiCaprio à Teyana Taylor, Regina Hall, en passant par Sean Penn ou Benicio del Toro, le film sort dans les salles le mercredi 24 septembre.

Alors que le soleil se cache lentement derrière l’horizon désertique de la frontière mexicaine, un groupe révolutionnaire baptisé French 75 lance un raid contre un centre de rétention pour migrants. Parmi les membres du groupe, Bob (Leonardo DiCaprio), l’artificier de la bande, et Perfidia Beverly Hills (Teyana Taylor), son explosive petite amie.

Pendant que Bob lance un beau feu d’artifice, Perfidia se charge de mettre au garde-à-vous le responsable du camp, un certain colonel Steven J. Lockjaw (Sean Penn), s’adressant à lui autant qu’à son entrejambe. Le ton est donné. Après lui avoir pris son arme, et sa casquette, elle rejoint ses camarades pour exfiltrer par camion les migrants qu’ils sont venus libérer. Dans les mois qui suivent, pendant que le groupe multiplie les actions violentes, Bob et Perfidia deviennent les parents d’une petite fille, qu’ils prénomment Willa.

Seize ans plus tard, alors que Bob vit désormais sous une nouvelle identité avec Willa, à l’écart du monde et de la révolution, le passé, colonel J. Locjaw en tête, refait violemment surface.

Les codes du blockbuster

De l’action, une touche de mélo, du sexe, des cascades, des rebondissements, sans parler du casting de luxe et du tournage en caméras VistaVision (un format horizontal créé par Paramount dans les années 1950, utilisé par Hitchcock sur Vertigo)… Dans ce nouveau film explosif, le plus cher avec un budget qui avoisine les 140 millions de dollars, Paul Thomas Anderson emprunte habilement les codes du blockbuster pour dénoncer les dérives suprémacistes de l’Amérique de Trump. Puisant dans l’histoire et les combats politiques des seventies, il rêve et met en scène une révolution au présent (sans jamais nous donner l’heure). Plein de drôlerie et de tendresse, son film dénonce sans donner de leçon les dangers du dogmatisme, de la radicalité et de l’extrémisme.

Sous des allures de caricatures, le film propose une galerie de personnages avec des noms loufoques, dessinés avec nuances, chacun avec ses contradictions. Perfidia, la plus radicale, est aussi la plus lâche. Bob, qui veut « prendre racine », est un idéaliste qui tente d’oublier la réalité en se noyant dans la fumette et l’alcool. À côté de ses lattes, il sait aussi être un père attentif et rigoureux avec sa fille. Benicio del Toro incarne Sensei Sergio St. Carlos, le professeur d’arts martiaux de Willa et chef d’un réseau clandestin pour les réfugiés. Un clown sage. Sans parler du colonel Lockjaw, dévoré par ses conflits intérieurs, figure triste de l’homme soumis à toutes les injonctions imposées à son sexe, et dont la fragilité est magistralement interprétée par Sean Penn. En face, les « aventuriers de Noël » adeptes de la « race supérieure », à qui il semble manquer une case, ne sont pas sans saveur.

 

Teyana Taylor et Leonardo DiCaprio dans "Une bataille après l'autre" de Paul Thomas Anderson, sortie le 24 septembre 2025. (WARNER BROS)

En ne lâchant jamais les personnages, leurs émotions et les péripéties dans lesquelles ils sont jetés, le réalisateur raconte, au-delà du contexte politique de l’Amérique d’aujourd’hui, une humanité qui répète depuis ses origines la même histoire. En guise de héros de cette épopée, Paul Thomas Anderson nous propose ce personnage bancal de Bob, lancé, en robe de chambre, la gueule de bois, pour sauver sa fille à défaut de sauver le monde, dans une course effrénée rythmée par les notes de la musique composée par Jonny Greenwood.

Il y a du Charlie Chaplin dans ce nouveau film du réalisateur d’Inherent Vice (2014) ou de Licorice Pizza (2022) qui, à travers la farce et le spectacle, dessine la part la plus sombre des hommes, leur inextinguible volonté de puissance et les systèmes qu’ils mettent en place pour conserver le pouvoir (le colonel ne sera pas le dernier à en faire les frais). Il dessine aussi la face lumineuse de l’homme qui se niche dans les imperfections, les doutes, la tendresse de ceux qui ne veulent pas de ce monde, qui cherche à imposer sa « perfection », sa « pureté », ou sa puissance.

DiCaprio papa poule

C’est tout le cinéma hollywoodien et ce qu’il charrie d’exaltation du pouvoir, de virilisme, de la puissance américaine, que le cinéaste brocarde, l’air de rien (l’érection du colonel en guise d’allégorie inaugurale). Le réalisateur s’empare de ses objets iconiques (les armes, les voitures), renouvelle ses scènes emblématiques (la poursuite sur route qu’il transforme en scène quasi onirique, ou sur les toits, en épisode comique), et moque (gentiment) ses stars.

En mélangeant les genres, le réalisateur raconte aussi bien la violence des suprémacistes, vrais méchants et bouffons risibles qui veulent « purifier » le monde, que celle, habitée par des bons sentiments, de la révolution, bouillonnante, débordante, avec ses dérapages, ses excès, sa part de ridicule et de vanité.

On sait qui sont les méchants, et ils seront punis. Le monde changera-t-il pour autant ? On n’y croit plus. Mais on se réconforte avec ce film qui nous parle avec un mélange de profondeur et de légèreté de l’amitié, de la solidarité et surtout de l’amour, qui prend ici la forme d’une très belle relation filiale, portée par l’immense Leonardo DiCaprio, interprète virtuose des tréfonds de l’âme humaine.

France Info Culture