VINGT DIEUX
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“Vingt Dieux” de Louise Courvoisier, une escapade savoureuse au pays du comté
Totone, 18 ans, écume les bals, écluse de la bière. Un drame l’oblige à s’occuper de sa petite sœur. En bon Jurassien, il se met au fromage. Une fable initiatique tendre et fruitée, entre comédie et néo-western.
Tendre et salé, fruité, fleuri et robuste. De quoi parle-t-on ? Du comté, quand il est bien fait. Et de ce film, cadeau de Noël avant l’heure, en osmose parfaite avec son sujet. Pour son premier long métrage, Louise Courvoisier, jeune réalisatrice du Jura, brandit haut l’étendard de sa région et ses habitants comme peu l’ont fait auparavant. En choisissant un sacré loustic comme porte-parole : Tony, que tout le monde appelle Totone (Clément Favreau, juste et expressif). Un p’tit gars roux de 18 ans, pas bien gras mais costaud, buveur de bière et glandeur professionnel.
Quand il ne s’exhibe pas en tenue d’Adam sur le comptoir d’une buvette de comice agricole, il écume les bals avec sa bande de potes et couche à tout-va. Et si une petite « panne » vient contrarier son désir, il ne semble pas en faire… tout un fromage. Le Totone est parfois teigneux mais ne se prend pas la tête. Sauf quand la réalité le rattrape brutalement. Quinze minutes de film sont à peine passées qu’un drame le frappe et l’oblige, du jour au lendemain, à devenir tout ce qu’il n’est pas : responsable. Ayant la charge de sa petite sœur de 7 ans, il doit maintenant trouver de l’argent et gagner sa vie.
Au fil de l’histoire, Totone s’affine
Ne pas croire que la gravité s’installe. Tenir à distance le pathos par pudeur, esquiver la psychologie et avancer vite, au gré d’épatantes péripéties, c’est le cap tenu jusqu’au bout par la talentueuse réalisatrice. Qui évite pièges et obstacles, avec le plaisir de s’y frotter. Vingt Dieux s’appuie sur une base solide de documentaire qui ne ment pas. L’accent traînant, le teint frais rosé des protagonistes, le stock-car entre les bottes de foin et les pâturages du pays jurassien, les vaches laitières et tout ce qui entoure la fabrication du fromage certifient l’authenticité. Mais Louise Courvoisier ne s’enferme pas dans ce réalisme. Au contraire, elle choisit de s’en extraire pour faire décoller son film en toute liberté. Entre teen movie, fable initiatique et western réinventé.
Nul colt, mais de la bagarre, une conquête de territoire, un but à atteindre. Un moment, Totone se met en tête de faire le meilleur comté de la région, pour remporter la médaille d’or au concours agricole et rafler les 30 000 euros sonnants et trébuchants qui vont avec. Ses deux copains généreux l’aident. Entre trio de bras cassés et pieds nickelés, la bande offre un mélange de solidarité, de filouterie et de foirade. L’audace du film, c’est de faire de la naïveté de Totone une force autant qu’une faiblesse, mises à nu face à Marie-Lise (Maïwène Barthelemy, bluffante de naturel), jeune agricultrice déjà expérimentée, qui travaille toute seule. Sa manière à elle de prendre les initiatives, d’inviter son amant ignorant au cunnilingus ou d’assurer un vêlage, est des plus réjouissantes. À travers ce personnage franc et confiant, à contre-courant de bien des clichés, Louise Courvoisier marque des points et se singularise.
Toujours en mouvement, le film est aussi brut que souple, cassant que sensuel. Il montre une réalité parfois dure, des épreuves de la vie, mais sans s’appesantir, préférant miser sur une forme d’optimisme. Sensible dans l’accompagnement musical, créatif et chaleureux. Sensible, aussi, dans les gerbes de couleur, la lumière dorée, les trésors de l’été. Totone, dans sa difficulté à faire son fromage, s’affine lui aussi, devient de plus en plus attachant. Sa persévérance mène au panache. Le film n’est jamais larmoyant et pourtant, quelle émotion, vindiou !
Telerama