LES LINCEULS

De David Cronenberg
Réalisation : David Cronenberg
Avec : Vincent Cassel, Diane Kruger, Guy Pearce

Durée : 2h 0min
Genre : Thriller
Pays : US

Avertissement : Interdit -12

Synopsis
Karsh, 50 ans, est un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.

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Nous avons tous des idées taboues qui nous traversent l’esprit sans qu’on ait le désir, le courage ou la simple capacité de les développer. David Cronenberg, lui, en a fait sa spécialité. Artiste visionnaire, l’auteur de Crash accouche une nouvelle fois de l’une de ces œuvres transgressives dont il a le secret. Ici, elle naît d’une interrogation légitime : que devient le ou la défunte une fois sous terre, dans son cercueil ?

Karsh (Vincent Cassel, réplique frappante de Cronenberg avec ses cheveux gris en brosse), 50 ans, homme d’affaires renommé, est inconsolable depuis le décès de son épouse. Afin de mieux supporter ce deuil, il a inventé un système révolutionnaire qui lui permet de se rapprocher de l’absente. Il a créé un linceul connecté, mi-armure, mi-kimono cendré. Doté de capteurs, ce suaire stylé permet à la personne vivante de rester reliée au défunt. Grâce à une application, il peut suivre sa transformation, sa lente décomposition. Karsh a agencé tout cela dans un cadre apaisant, à savoir un cimetière hautement technologique, jouxtant un restaurant au chic épuré.

Voir et toucher semblent inséparables

Morbide ? Sans doute. Mais sain, aussi, en quelque sorte : le film baigne dans une ambiance d’ascèse japonaise. Comme à son habitude, Cronenberg fusionne toutes sortes de contraires (vie et mort, science et métaphysique…) pour nous livrer une œuvre fascinante, à nulle autre pareille. Affligé lui-même par la disparition récente de sa femme, le cinéaste se livre ici, de manière plus personnelle que d’habitude, tout en pervertissant les choses. Ambitieux, Les Linceuls dépasse le simple portrait intimiste d’un veuf, pour mêler mélodrame romantique et film d’espionnage, avec complot et paranoïa. Un curieux mélange, dans lequel Diane Kruger se distingue, non sans humour, à travers trois rôles : l’épouse, sa sœur, et un avatar créé grâce à l’intelligence artificielle.

Les Linceuls se perd parfois en explications un peu longues, indispensables sans doute pour aborder des thèmes multiples. Il reste qu’on est frappé par la faculté toujours intacte de Cronenberg à lier si bien psyché, technologie et matérialité. Avec une nouveauté : une forme de tactilité sublimée, à la fois sacrilège et sacrée, exprimée à travers le suaire, un révélateur, rappelons-le. Voir et toucher semblent inséparables. On pourrait se satisfaire de cette théorie, sauf qu’intervient, un moment, un beau personnage de veuve aveugle (Sandrine Holt), elle aussi écrasée par le chagrin. En manque de contact charnel, elle demande l’autorisation à Karsh de lui caresser le visage. Troublé, il accepte. Elle pose sa main et la passe délicatement sur sa peau. La scène est magnifique.

Telerama