A NORMAL FAMILY

Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour protéger nos enfants ? Telle est la question posée par ce film sans concession du sud-coréen Jin-Ho Hur, qui dresse un portrait cinglant de la société sud-coréenne, et plus largement du monde contemporain Le film sort dans les salles le 11 juin.

L’amour n’est pas ce qui caractérise la relation entre deux frères dont les vies ont emprunté des trajectoires opposées. D’un côté Jae-wan (Sul Kyung-gu), avocat sans scrupule, qui accumule les millions en défendant des clients riches, quels que soient leurs crimes, et de l’autre Jae-gyu (Jang Dong-gun), médecin à l’hôpital, qui sauve des vies.

Jae-wan, veuf, s’est remarié à une femme beaucoup plus jeune que lui, avec qui il vient d’avoir un bébé. Il néglige sa fille aînée, une élève brillante qui profite de son argent. Jae-gyu a un fils, un adolescent mal dans sa peau, victime de harcèlement à l’école, qui ne réussit pas aussi bien que ce qu’on attend de lui.

Une affaire criminelle dans laquelle les deux frères sont impliqués et le projet de l’avocat de placer en maison de retraite leur mère jusque-là accueillie dans la famille du médecin, sont au programme d’un dîner gastronomique en ville entre les deux couples, tendu.

Ce même soir, un crime sordide est commis dans les rues de Séoul par deux adolescents qui ressemblent aux deux enfants des deux frères. Comment le « gentil pauvre » et le « méchant riche » vont-ils réagir ? C’est une fois encore autour d’une table gastronomique, où la famille a pour coutume de régler les affaires familiales, que les uns et les autres devront affronter leur propre vérité.

« Insoutenable légèreté de l’être »

Avec ce neuvième long-métrage, le réalisateur Sud Coréen signe un film glaçant sur la famille, adapté du roman Le Dîner de Herman Koch, un best-seller à sa sortie aux Pays Bas en 2009. Le livre, publié en France en 2011 aux éditions Belfond, avait déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique (The Dinner d’Oren Moverman, sorti en 2017, avec Richard Gere).

En transposant cette histoire dans son pays, le réalisateur jette un regard cinglant sur une société sud-coréenne brutale, marquée par la pression qui s’exerce sur les enfants et leur réussite scolaire, par la fracture entre les différentes couches de la société, avec d’un côté ceux qui ont les moyens de se soigner, d’élever leurs enfants, de se défendre, et de l’autre, les autres.

Il scrute aussi la fracture entre deux générations. Qui est « gentil » ? Qui est « méchant » ? Comment être un bon parent ? Quelles sont les racines de la violence ?  Où est le bien ? Où est le mal ? Le scénario, extrêmement habile, renverse la donne pour nous emmener sur une troisième voie, inattendue et nihiliste, avec cette « insoutenable légèreté de l’être » qui balaie la dialectique philosophique et morale, classique, proposée en début de scénario.

Servie par une mise en scène extrêmement efficace et un très beau casting, cette chronique familiale et sociale en forme de thriller est une vraie réussite, qui nous interroge sur le monde tel qu’il s’en va.

France Info Culture