AMELIE ET LA METAPHYSIQUE DES TUBES


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“Amélie et la Métaphysique des tubes” : un somptueux bijou d’animation sur l’enfance japonaise d’Amélie Nothomb
Une enfant jusqu’alors mutique s’éveille soudain à la vie. Le célèbre roman d’Amélie Nothomb se transforme en pépite pop, drôle et poétique, pour une délicate fusion entre animation française et japonaise.

Devant ce bébé silencieux aux immenses yeux fixes, le pédiatre décrète : « Votre enfant est un légume. » Pourtant, papa et maman ne s’inquiètent pas : tant mieux, en un sens, si Amélie, leur petite dernière, est totalement imperturbable, quand son frère et sa sœur aînée sont si remuants… Jusqu’à ce 13 août 1969, au moment même d’un tremblement de terre, fréquent au Japon, où la famille est installée, puisque papa, d’origine belge, y est consul : le bébé se met soudain à hurler, comme une divinité si horriblement vexée que, de sa petite bouche rose, ne sortent que des babillages incompréhensibles. Elle hurle sans relâche, grogne et montre les dents, véritable petit monstre tapi au fond de sa chambre. Ses parents sont dépassés, exsangues, jusqu’à l’arrivée de la grand-mère paternelle, venue exprès de Belgique avec valises, tailleur chic et capeline. La belle vieille dame ose, elle, s’aventurer vers le petit lit de cette enfant impossible à apprivoiser, dotée d’une arme secrète : une tablette de chocolat blanc. C’est le miracle, au sens métaphysique du tube… digestif : grâce à cette friandise divine, Amélie se sent naître, enfin, réellement, à 2 ans et demi.
Tout, pour le petit machin braillard, devient plaisir, sourire, sensualité, et mouvement. Amélie court, sautille, goûte de tout son corps chaque parcelle de son monde, plancher, rai de soleil, premier brin d’herbe. Avec le concours lumineux de la nouvelle employée de maison, la jeune et douce Nishio-san, la mouflette singulière va gambader d’aventures au bout du jardin en sensations inoubliables, mais connaître, aussi, son premier énorme chagrin…
Jusque-là, on pouvait aimer le cinéma d’animation français d’un côté, et l’animation japonaise de l’autre. Cette adaptation du roman d’Amélie Nothomb sur sa prime enfance japonaise s’impose comme la miraculeuse fusion des deux, grâce aux talents conjugués de Maïlys Vallade et Liane-Cho Han, qui ont travaillé, ensemble ou séparément, sur certaines des plus belles réussites françaises récentes, comme Tout en haut du monde et Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary, de Remi Chayé, mais aussi J’ai perdu mon corps, de Jérémy Clapin.
Splendeurs esthétiques
Les premières années d’une vie ne sont pas forcément un moment mièvre aux coloris layette. Le duo de cinéastes en fait une symphonie pop de perceptions premières, de formes fluctuantes, sans en oublier les contours mélancoliques. Les yeux verts qui mangent le minois d’Amélie dévorent ainsi, et avalent à notre place, la beauté de ce monde nippon, quasi mythologique pour elle, et où chaque teinte se meut en fluide, en substance sensuelle, mémorielle.
Après les sublimes aplats de couleurs fauves de Calamity…, Liane-Cho Han et Maïlys Vallade nous baignent, littéralement, dans le vert bonsaï ou jade, le jaune topaze, tous les roses du monde, et même ce bleu qui appelle la noyade pour une petite fille que l’on va priver de son paradis. À certains moments, Ponyo sur la falaise, de Miyazaki, n’est pas loin, mais, à la seconde d’après, en un arrêt sur image, on se croirait dans une toile des pointillistes Georges Seurat ou Paul Signac. Autant de splendeurs esthétiques au service, fidèle, de ce récit d’enfance si particulier d’Amélie Nothomb, que le film rend poétiquement et drôlement accessible à tous, grands et petits. Décidément, l’animation, quand elle atteint la grâce, permet de pénétrer dans ces territoires trop fragiles pour être croqués en images réelles. Voilà un grand film d’animation sur les paysages extérieurs ou intérieurs d’une petite fille pas comme les autres. Et grâce auquel on ne regardera plus un bébé comme avant : on se demandera plutôt, désormais, quelle est sa métaphysique…
Telerama