SEGUNDO PREMIO
Réservation : pour acheter votre place à l’avance, cliquez sur l’horaire de la séance
Isaki Lacuesta et Pol Rodriguez signent un film vibrant et électrique sur le groupe de rock espagnol des années 90, aux antipodes du biopic.
Entre Un parfait inconnu, devoir de bon élève au souffle incontestable, et Kneecap, farce débridée où la fiction venait donner de l’air à un récit éprouvé, le biopic musical s’est, cette année, enfin mis à respirer. On n’en est pas encore à l’avalanche de grandes idées ni à la déconstruction généralisée, mais on s’en approche doucement et Segundo Premio vient donner à la tendance un élan supplémentaire.
« Ce n’est pas un film sur Los Planetas, mais un film sur la légende de Los Planetas », précise un carton au début du film. Soit un des groupes majeurs du rock indépendant espagnol, originaire de Grenade, qui a explosé à la fin des années 90 avec son troisième album Una semana en el motor de un autobús, ouvrant la voie à une scène foisonnante. Et évoqué ici sur un registre relativement inhabituel, près de l’histoire, mais essentiellement entre les lignes.
Les noms ont quasiment tous été effacés (les personnages sont crédités au générique comme «le chanteur», «le guitariste», etc.) et la route vers le succès est secondaire : ce qui prime ici, ce sont les chemins de traverse, les amitiés maladives et les amours contrariées.
Segundo Premio est moins un biopic à proprement parler qu’un film sur une poignée de jeunes adultes à un moment précis de leurs vies, celui où, à la fois, tout vous file entre les doigts et où les rêves prennent de la vitesse ; celui où l’on se croit plus fort que la vie, mais on réalise qu’il est impossible de s’en extraire complètement. Cachés derrière des lunettes noires, cryptovampires accrochés à un désir irrépressible, les membres du groupe répètent stores et rideaux baissés pendant que, dehors, la ville suppure sous le cagnard, que la Terre continue de tourner.
Plutôt qu’un groupe coupé du monde, en lutte contre la médiocrité ordinaire,
Lacuesta et Rodriguez choisissent de montrer Los Planetas comme les fragments d’existences interconnectées, aux horizons étendus – May, la bassiste, quitte le groupe au début du film pour reprendre ses études, mais reste omniprésente, composante essentielle de ces Planetas qui malgré le succès et les transformations, se réduisent toujours à un ménage à trois incapable de communiquer, faire le deuil de ses illusions. C’est la grande
réussite de ce Segundo Premio qui ressemble parfois à du Rohmer shoegaze ou un Rozier puissamment électrifié. Plutôt que de tenter, comme la quasitotalité des biopics musicaux, d’humaniser un récit semi mythologique, le film fait l’inverse donner à voir dans un tableau familier, universel, des fait l’inverse : donner à voir dans un tableau familier, universel, des frémissements inouïs. A l’image de l’impossible fumée qui plane au-dessus du local de répétition du groupe, de cette irruption de violence fantasmée dans un bar aux clients éteints ou du tout premier plan qui, aux abords d’une forêt, montre la terre, littéralement, en train de respirer.
Liberation