QUAND SOUFFLE LE VENT

De Kalliopi Legaki
Réalisation : Kalliopi Legaki
Avec : Peggy Ashcroft, John Mills, Robin Houston

Durée : 1h 25min
Genre : Animation, Drame
Pays : GB



Synopsis
En Grande-Bretagne, Jim et Hilda, un couple de retraités, vivent dans un cottage isolé en pleine campagne. Ils apprennent qu’une nouvelle guerre se prépare : une guerre nucléaire.

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Bien qu’il soit l’énergie phare (et controversée) de l’Occident, le nucléaire n’emballe guère les cinéastes, à la différence du pétrole qui a inspiré nombre de fictions (de There Will Be Blood à Syriana en passant par le récent reboot de la série Dallas). Sujet a priori tabou du Septième Art, il est parfois métaphorisé (Godzilla) ou évoqué par l’absurde (Dr Folamour), mais rares sont les films qui s’autorisent à mettre en images non seulement l’explosion spectaculaire d’une bombe atomique mais surtout ses conséquences tragiques. Quand souffle le vent, film d’animation précisons-le, est de ceux-là.

James et Hilda, un charmant couple de retraités, coulent des jours paisibles dans leur petit cottage isolé dans la campagne anglaise, entre ménage et cuisine pour elle, lecture et bricolage pour lui. Quand une attaque imminente russe est annoncée, ils se préparent à affronter ce qu’ils croient être une redite d’un bombardement durant la Seconde Guerre mondiale. Mais l’atome est passé par là. Tricotant sa narration en douceur, le dessin animé dépeint d’abord le quotidien ritualisé des protagonistes qui subit une légère inflexion à l’orée de cette nouvelle guerre. Forts de leur expérience du Blitz, ils commencent à construire un abri, faire des provisions… Mais leur grille de compréhension de la menace qui couve se révèle caduque et le flegme tout britannique qui les anime tourne au ridicule. Leur abri (des portes appuyées contre un mur), leurs rations alimentaires (pudding et thé), leurs craintes (les rideaux vont être abîmés) paraissent pour le moins inadaptés à la situation. Ils survivent pourtant à l’explosion mais, soumis à de fortes radiations, ils dépérissent rapidement, toujours incapables d’envisager la réalité de l’événement et leur mort prochaine.

Sorti en 1986, Quand souffle le vent s’inscrit pleinement dans les peurs suscitées par la guerre froide durant les décennies précédentes. Sorte d’uchronie, le film de Jimmy T. Murakami souffre de ce décalage historique (la chute du mur de Berlin ayant rendu obsolète la vision Est/Ouest du monde) mais le parti pris d’une métaphore filée entre la vie sous les bombes nazies et la situation actuelle des personnages permet d’oublier bien vite les références datées. Les « Ruskoffs » deviennent les Boches dans des séquences hallucinatoires où James s’imagine de nouveau combattre l’ennemi. Au-delà de cette brillante idée de jeu de miroir entre deux guerres (une menace invisible mais bien plus létale en remplacement d’une guerre « classique »), Quand souffle le vent jette à l’écran la mort programmée, la souffrance et le chaos que porte en son sein le nucléaire. Tuer ses héros à petit feu, les faire rendre leurs tripes avant de se vider de leur sang est d’une crudité surprenante dans un film d’animation. Porté par la musique de Roger Waters (déjà aux manettes de Pink Floyd : The Wall, autre film d’animation anti-militariste), le métrage multiplie les sources visuelles pour offrir des trips qui font penser à des tableaux de Marc Chagall, des images d’archives de la Seconde Guerre ou des visions apocalyptiques et très réalistes d’un monde dévasté.

Pamphlet absolu, Quand souffle le vent attaque le nucléaire et ses dangers en évitant la critique frontale et habituelle. En se concentrant sur le destin personnel de ces petits vieux, largués et attachants qui se débattent entre la doxa officielle (il n’y a rien à craindre) et l’expérience des radiations (une morte lente et douloureuse), le film synthétise universalisme et intimité, graphisme irréprochable et tragédie humaine. Un grand moment de cinéma qui se faisait attendre en France depuis plus de vingt-cinq ans.

Critikat