THE BRUTALIST

De Brady Corbet
Réalisation : Brady Corbet
Avec : Adrien Brody, Guy Pearce, Felicity Jones

Durée : 3h 35min
Genre : Drame, Romance
Pays : US



Synopsis
L'histoire, sur près de trente ans, d'un architecte juif né en Hongrie, László Toth. Revenu d'un camp de concentration, il émigre avec sa femme, Erzsébet, après la fin de la Seconde Guerre mondiale aux Etats-Unis pour connaître son " rêve américain ".

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« The Brutalist » : les grandes heures d’un cinéma américain que l’on croyait disparu

Une fresque américaine ? Oui, mais d’une européenne ambiguïté. Un monument ? Peut-être, mais intimiste. Entre classicisme et modernité, Brady Corbet ne choisit pas et accouche d’un grand, très grand film. Trois heures trente-cinq pour brasser trente-cinq ans de la vie d’un architecte juif hongrois, László Tóth, rescapé du camp de Buchenwald, qui aborde Ellis Island en 1947 et dont la première vision des Etats-Unis, à fond de cale du bateau, est celle de la statue de la Liberté à l’envers. Prescience d’une Terre des possibles aux airs de purgatoire, d’un rêve américain équivoque. D’ailleurs, le « brutaliste » du titre, est-ce Tóth, l’artiste formé au Bauhaus et sûr de son talent (inspiré de Marcel Breuer, Mies van der Rohe et Le Corbusier), ou Van Buren, le nabab rustre et sans scrupule, qui le prend sous son aile et lui commande la création d’un établissement public à la mémoire de sa défunte mère ? Qui, de l’artiste autodestructeur, arc-bouté sur son ambition et traumatisé par la Shoah, ou du capitaliste protestant et xénophobe, est le plus invivable ?

La domination et l’impuissance, sociales comme sexuelles, sont les mamelles de cette œuvre fleuve (lion d’argent à Venise, en lice pour dix oscars), où la musique tentaculaire de Daniel Blumberg figure le temps qui passe, enterre les hommes et leurs douleurs, quand l’art les immortalise. « L’important, c’est la destination, pas le voyage », entend-on à la fin du film, en trois actes hétérogènes d’une troublante complémentarité, qui puise son mystère et sa richesse dans des ellipses pour le moins téméraires. Adrien Brody trouve son second « rôle d’une vie » après « le Pianiste » de Polanski, dont il est une manière de prolongement. Guy Pearce et sa patriarcale prestance ravivent le souvenir de Henry Fonda et de James Mason. Sans oublier Felicity Jones, déchirante interprète d’Erzsébet, l’épouse de Tóth restée au pays et qui parvient à le rejoindre, pour le meilleur et pour le pire. En assumant avec panache sa filiation avec John Dos Passos, King Vidor ou Paul Thomas Anderson et avec un sens aigu de l’Histoire, de l’espace et de l’âme des lieux, Brady Corbet, lui, entre dans le club des grands conteurs de l’Amérique.

Nouvel Obs