ANORA
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“Anora”, de Sean Baker : une odyssée hilarante portée par une actrice ébouriffante
Escort girl, Ani séduit le fils d’un oligarque, qui envoie aussitôt ses sbires à leurs trousses. Une comédie sociale, par moments irrésistible, couronnée de la Palme d’or 2024.
L‘extrême rareté des occasions de rire au Festival de Cannes explique, pour partie, l’accueil enthousiaste réservé à Anora qui, quarante-quatre ans après M.A.S.H., de Robert Altman, est devenu en mai dernier la deuxième comédie à décrocher la Palme d’or… En 2021, le précédent film en compétition de l’Américain Sean Baker, Red Rocket, nous avait, pourtant, plus mis en colère qu’en joie, avec son portrait cynique d’un ex-roi du porno qui tente de faire son come-back en exploitant plus misérable et plus malheureux que lui…
Il est encore beaucoup question de sexe dans Anora, au risque, encore, d’une certaine complaisance dans sa représentation. Mais, cette fois, avec un personnage principal nettement plus sympathique. Anora, dite Ani, 23 ans, est escort girl dans un club de strip-tease de Brooklyn – et plus si affinités et portefeuille bien garni. Vanya, fils à peine sorti de l’adolescence d’un oligarque russe, est tellement séduit par les prestations de la jeune femme qu’il la « privatise » pendant une semaine.
Touchée par la gaucherie immature du gamin autant qu’attirée par l’existence à l’abri du besoin qu’il lui fait miroiter, Ani accepte sa demande en mariage. Au grand dam de ses richissimes beaux-parents qui, depuis Moscou, vont demander à leur homme de confiance new-yorkais (le surprenant Karren Karagulian, acteur fétiche du réalisateur) de remettre un peu d’ordre dans le bazar : ce prêtre arménien chargé de surveiller les frasques de Vanya va tout tenter pour convaincre les tourtereaux de renoncer à leur union.
Une Cendrillon moderne
Après des scènes d’exposition un peu répétitives et convenues, l’arrivée dans le tableau du tonton flingueur et de ses sbires (dont Yuriy Borisov, le héros de Compartiment n° 6, une nouvelle fois impressionnant) propulse le film dans un tourbillon comique souvent irrésistible. Dans une séquence d’anthologie de vingt minutes, les pieds nickelés mettent (involontairement) à sac la villa de leur patron en tentant de maîtriser une Ani déchaînée, alors que Vanya prend la fuite. La nuit qui suit, à la recherche de l’héritier introuvable, est encore plus délirante, avec une succession de déboires hilarants dans le récit et un goût pour le paroxysme qui évoque pêle-mêle After Hours, de Scorsese, l’univers tragi-comique des frères Safdie et le grotesque noir des frères Coen.
L’énergie communicative du film, malgré une durée excessive, doit beaucoup aussi à la prestation ébouriffante de son actrice principale. Avec sa fougue, son bagout, sa capacité à changer de registre au fil des scènes, voire au sein d’un même plan, Mikey Madison magnifie son personnage de Cendrillon moderne. Jusqu’à une scène finale d’une belle mélancolie où, cette fois-ci, ce sont ses émotions qu’elle met à nu.
Telerama