CONNEMARA

De Alex Lutz
Réalisation : Alex Lutz
Avec : Mélanie Thierry, Bastien Bouillon

Durée : 1h 55min
Genre : Comédie dramatique
Pays : FR



Synopsis
Hélène et Christophe sont deux quadra originaires de la même petite ville des Vosges. Elle a fait de belles études, une carrière, deux filles. Elle a réalisé le rêve de son adolescence : se tirer, changer de milieu, réussir. Christophe, lui, n’a jamais quitté ce bled où ils ont grandi avec Hélène. Il n’est plus si beau. Aujourd’hui, il vend de la bouffe pour chien, rêve de rejouer au hockey comme à seize ans, vit avec son père et son fils.

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Quelques mois après Leurs enfants après eux, c’est à un autre roman de Nicolas Mathieu d’avoir les honneurs d’une adaptation cinématographique. Connemara s’inscrit d’ailleurs dans une sorte de continuité en prenant pour cadre l’Est de la France et pour personnages principaux deux quarantenaires qui auraient pu faire partie des adolescents des années 90 de Leurs enfants après eux.

Hélène a grandi dans une famille de la classe moyenne dans une petite ville de province, puis s’est émancipée de cette condition sociale pour aller vivre à Paris, y fonder sa famille et y travailler en tant que cadre supérieure. Tout ce dont elle avait rêvé adolescente en somme. Pour autant, un jour tout s’écroule lorsqu’elle fait un burn-out. Elle et sa famille décident donc de se mettre au vert, en revenant dans sa province natale. Quand Hélène y croise Christophe, le joueur de hockey le plus populaire de ses années de lycée et qu’elle désirait en secret, elle retombe immédiatement sous son charme. Christophe, lui, n’a jamais quitté la région et est retourné vivre avec son père depuis qu’il s’est séparé de la mère de son fils.

Le scénario de Connemara rappelle par bien des points celui de Partir un jour, sorti récemment et dans lequel Bastien Bouillon (qui interprète ici Christophe) tenait un rôle très similaire. Pourtant les films d’Amélie Bonin et Alex Lutz ne partagent pas vraiment le même ton. Chez Amélie Bonin, la nostalgie régnait en maître et, même si le film savait se faire plus grave par moments, il s’en dégageait de la légèreté que ne reniait pas une fin tournée vers l’avenir. Dans Connemara, le constat est plus amer. Le film va au-delà de la fin de Partir un jour. Si Hélène semble parfois retrouver goût à la vie, on comprend bien que son mal-être est profond et que son retour aux sources ne suffira pas à la sortir de ses doutes.

Connemara

Le début du film annonce d’ailleurs d’emblée la couleur avec le thème du burn-out qui apparaît comme majeur à travers les conversations d’Hélène et de sa psychologue, qui servent de fil narratif. Si Alex Lutz appuie un peu trop son propos sur la forme (à grand renfort de flous artistiques), il n’en demeure pas moins que ce procédé narratif permet d’être au cœur des tourments d’Hélène et retranscrit efficacement les sentiments contradictoires qui peuvent animer une dépression. Malheureusement, le réalisateur abandonne progressivement le dispositif. Cela pourrait s’entendre comme un sentiment de guérison progressive de l’état mental d’Hélène, mais au final cela s’apparente plus à un problème de narration. En effet, le film perd peu à peu le point de vue d’Hélène pour adopter un regard extérieur qui s’intéresse autant à Hélène qu’à Christophe. On comprend bien l’objectif d’Alex Lutz d’essayer de respecter le roman, qui mettait les deux personnages au même niveau, mais cela crée un vrai déséquilibre dans la narration du film, qui perd par ailleurs en profondeur.

Comme le veut l’adage, Alex Lutz aurait donc dû moins hésiter à trahir pour mieux adapter. Pour autant, le film reste une bonne transposition à l’écran du roman, en grande partie grâce à la belle alchimie qui se dégage du couple Mélanie Thierry/Bastien Bouillon. Le film n’est jamais aussi bon que quand il se concentre sur l’intimité de ces deux personnages partis du même point mais qui ont fait des choix différents, représentants de deux parcours de vie que tout oppose, mais qui se retrouvent dans leur besoin d’attention à un moment charnière de leur vie, celui où ils ont déjà assez vécu pour faire un premier bilan, mais où il reste encore suffisamment à parcourir pour s’interroger sur la suite. Deux personnages touchants dans leur maladresse initiale puis dans leur envie d’y croire malgré une fin qui semble inéluctable.

Une fin avec laquelle Alex Lutz peine d’ailleurs un peu à se débattre, peut-être intimidé par l’enjeu de ce climax attendu sur la chanson dont le film et le roman tirent leur titre. On en retiendra encore une fois avant tout l’ultime moment de complicité entre les deux personnages porté par les larmes déchirantes de Mélanie Thierry et le sourire malicieux de Bastien Bouillon. Malgré des défauts certains, Alex Lutz signe une adaptation honnête du roman de Nicolas Mathieu, peinture mélancolique de la crise de quarantaine, portée par son duo de comédien·ne·s irréprochables.

Le Bleu du Miroir