JURE N°2
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“Juré n° 2” : la mise au point finale de Clint Eastwood sur la justice
À travers l’histoire captivante d’un juré qui découvre sa responsabilité dans la mort de la victime, Clint Eastwood traite magistralement de la justice.
Serait-ce l’ultime film de Clint Eastwood ? Si oui, Juré n° 2 ferait un beau tomber de rideau. L’Américain de 94 ans y traite de culpabilité et de morale au fil d’un récit captivant, où à la fois une mort et une naissance hantent la conscience d’un homme. Et puisque l’acteur Eastwood ne joue, cette fois, aucun rôle, le voilà débarrassé des tensions narcissiques qui encombraient Cry Macho, en 2021.
L’hypothèse d’une œuvre testamentaire éclaire nombre d’aspects de ce suspense, et d’abord l’efficacité imparable de l’argument, si simple à résumer : désigné juré d’un procès pour meurtre, le personnage principal (joué intensément par le Britannique Nicholas Hoult) découvre avec effroi, à cette occasion, sa propre responsabilité dans la mort de la victime. Selon un souci extrême de lisibilité, Eastwood rappelle et détaille les principes de la justice étasunienne et le fonctionnement de semblable procès à travers le regard du juré débutant. Ce citoyen jeune et apparemment ordinaire, scruté par le cinéaste pendant chaque délibération, on le suit aussi dans son intimité, attendant, avec sa femme, l’arrivée imminente d’un premier enfant, après l’échec d’une précédente grossesse.
À rebours de la face sombre de l’image de Clint Eastwood, dont certains films ont flirté avec une complaisance pour les règlements de compte privés, Juré no 2 est un éloge raisonné du système judiciaire, et au-delà, de la vérité, contre toutes les alternatives et autres arrangements. La honte ressentie par le héros, à l’idée qu’un innocent puisque être condamné par sa faute, n’en est pas moins complexe, et l’immoralité en embuscade. Le juré tourmenté consulte un avocat expérimenté et dissimule les raisons de son désarroi à son épouse bien-aimée ; mais il est également débordé par des actes manqués, des gestes et des comportements qui échappent à son contrôle et trahissent un désir de se rendre. Au fil du procès, une deuxième protagoniste s’impose : la procureure, sobrement incarnée par Toni Collette, ayant autant de raisons de conclure l’affaire vite (elle entre en politique) que de punir le vrai coupable – une droiture irréductible l’anime.
Réalisé dans le plus pur classicisme, l’ensemble a cependant quelque chose d’habité, jusqu’au troublant. Il faut voir comment Eastwood montre l’apparition magique d’un bébé dans un foyer. Ou comment il met en scène le décor du drame, un pont campagnard évoquant, malgré toutes ses dissemblances, celui de Sur la route de Madison. À bien des égards, le film témoigne d’une reconnaissance de son réalisateur envers les cycles de la vie et les règles de la société. Mais aussi envers le cinéma, où tout peut se jouer, comme dans la magnifique dernière scène, sur les seuls visages d’un acteur et d’une actrice.
Telerama