LA BELLE AFFAIRE
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« La Belle affaire » : Sandra Hüller dans une escroquerie aux billets de banque de l’ex-RDA
Cette comédie chorale portée par Sandra Hüller raconte l’histoire d’une belle arnaque orchestrée par une bande d’ouvriers au chômage dans l’ex-RDA, qui profitent de la désorganisation générale de la réunification pour mettre la main sur « l’argent du peuple ».
À travers cette aventure, la réalisatrice allemande met en scène l’ex-RDA dans l’année qui a suivi la chute du mur, au cours de laquelle régnait une atmosphère de chaos, mais aussi de joie, un sentiment de libération partagé par la population et très joyeusement incarné par cette petite bande d’amis d’un même quartier.
« Une période géniale », comme dit Yannek, le fils tagueur de Maren et Robert. « Il y avait de l’espoir, puis plus du tout, des peurs, mais aussi des opportunités. J’ai rencontré beaucoup de gens qui m’ont dit : ‘C’était la meilleure période de ma vie’ ! », raconte la réalisatrice.
L’argent fait-il le bonheur ? Cette question traverse le film avec au commencement une représentation quasi féerique, la bande de pieds nickelés vautrés comme des enfants dans les tas de billets de banque. Au fil du récit, le rapport à l’argent se structure, jusqu’à une réflexion sur ce à quoi il pourrait bien servir.
Un cheminement qui passe de l’utopie à un projet plus réaliste, et collectif, cette vieille valeur communiste à laquelle les protagonistes semblent restés attachés. « L’argent, c’est la liberté monnayée » : cette citation qui referme le film colle parfaitement avec ce qu’expérimentent les membres de cette petite communauté.
« Comment va-t-on repartir à zéro ? »
La Belle affaire raconte aussi l’histoire d’un triangle amoureux, dont la singularité fait écho à l’histoire plus large de la réunification de l’Allemagne, contrainte d’imaginer les modalités de sa réunification. « Si on n’arrive pas à définir ce qu’on est tous les trois, comment va-t-on repartir à zéro ? », interroge Maren aux deux hommes qui l’aiment. Une phrase qui sonne aussi bien pour leur histoire d’amour que pour l’histoire d’une Allemagne à réconcilier.
Le triangle amoureux semble ici encore trouver une résolution dans le collectif, avec cette image de toute la famille qui s’endort dans le même lit, figure intime de la réunification, où chacun doit pouvoir trouver une place dans un espace commun à réinventer.
La réalisatrice allemande, qui a commencé sa carrière très jeune comme comédienne en interprétant le rôle principal du film Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée, brosse dans ce deuxième long-métrage un portrait teinté de nostalgie de l’ex-RDA.
Interrogeant les modèles familiaux et sociétaux, le film déconstruit les mythes du communisme, tout en défendant une certaine idée du collectif, héritée de ce même modèle. « On a travaillé pour faire tenir le monde, mais pas le nôtre, celui des autres », regrette l’un des personnages, abasourdi en apprenant que l’usine dans laquelle il a travaillé pendant des décennies fournissait en réalité en pièces détachées une entreprise suédoise bien connue.
Ce film choral, qui aurait gagné à être un peu resserré, est servi par une troupe d’acteurs où chacun joue sa partition autour d’une Sandra Hüller lumineuse. La mise en scène soignée, avec des plans bien composés et des décors, costumes et la fameuse Trabant, évoque avec justesse l’esthétique et l’esprit si particuliers de ce monde singulier, né dans l’ancien « bloc de l’Est », et mort avec sa disparition.
France Info Culture