LA PETITE CUISINE DE MEHDI
Réservation : pour acheter votre place à l’avance, cliquez sur l’horaire de la séance
Comment s’enfoncer dans un mensonge qui part pourtant de bonnes intentions ? Chacun aura sans doute ses raisons de tenir une mère à l’écart, surtout quand il s’agit, comme celle de Mehdi, d’une comédienne hors pairs, toujours prête à se faire plaindre. Une attitude qui pourtant, au fil du récit, amènera le spectateur à questionner lui-même ses a priori, le personnage, interprété par la touchante Malika Zerrouki (vue dans « Arthur Rambo« ), ayant pourtant ses raisons de charrier une profonde souffrance, qu’elle ne peut s’empêcher de transmettre à ses enfants. Car derrière cette comédie au rythme forcené, marquant autant par son comique de situation que par l’intelligence de ses dialogues, se cachent la souffrance des déracinés, comme l’incapacité des enfants à assumer la part de rupture ou de transformation de la culture familiale avec une autre.
Formidable film sur le vivre ensemble, où l’amour du partage et du métissage, symbolisés par la cuisine et par ce couple attachant, « La Petite Cuisine de Mehdi » nous régale d’un humour toujours bienveillant, soulignant les excès de personnages féminins qui veulent toujours bien faire. Il doit bien entendu beaucoup à son casting de haute tenue, à commencer par Younès Boucif (« Le Ravissement« , « Bergers« ), véritable révélation, dont l’obstination dans le mensonge provoque catastrophe sur catastrophe, et Clara Bretheau (déjà remarquée cette année en fille de Denis Podalydès dans « Le Répondeur« ) dont le désarroi finit par bouleverser. Mais la reine du bal, maîtresse comédienne prise dans sa propre spirale d’inventivité, c’est Hiam Abbass, dans le rôle de la généreuse Souhila, cachant derrière ses airs enjoués de profondes blessures, liées à un lourd passé.
Jamais plus réaliste et touchant que lorsque chacun sort du rôle qu’il s’est donné en société ou en famille, ce film tourné à Lyon permet d’aborder autant le mensonge comme élément de survie, la transmission, l’instinct protecteur, ou la peur de décevoir, que le désir d’enfant. Et si comme le dit si justement le personnage de Hiam Abbass « j’ai mixé l’histoire de ta mère avec la mienne, ça fait double souffrance », le scénario tisse un juste équilibre entre l’humour, l’imagination et le drame, livrant quelques passages mémorables, comme la réunion avec les trois sœurs, les préparatifs de la rencontre avec Léa, ou la démonstration de danse du ventre dans le train. Ne ratant aucune occasion de faire rire, embarquant le spectateur dans la générosité et les petits (ou gros) arrangements de ses personnages, Amine Adjina signe là la plus belle des comédies pour finir l’année, entre respect, partage et ouverture.
Abus de Ciné

