WICKED PARTIE II
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“Wicked, partie II” : sous le divertissement charmant, un conte à la conscience politique affirmée
Retour au pays d’Oz pour la suite de cette adaptation du succès de Broadway, avec Cynthia Erivo et Ariana Grande. Au menu : fake news, vocalises, et lutte contre une dictature raciste. Malgré quelques longueurs, l’ensemble est spectaculaire.

Deuxième et dernier volet de la grande campagne de réhabilitation de la Méchante Sorcière de l’Ouest : autrefois virago maléfique, antagoniste haute en couleur (verte) du célébrissime Magicien d’Oz (Victor Fleming, 1939, d’après le roman de Lyman Frank Baum), ladite Elphaba a en effet bénéficié depuis une vingtaine d’années d’une formidable remontada dans l’imaginaire collectif. Merci qui ? La comédie musicale Wicked, de Stephen Schwartz et Winnie Holzman, triomphe public de Broadway au West End londonien, dont cette vaste duologie de cinéma (cinq heures et des brouettes de munchkins, en tout) est l’adaptation fidèle.
Or donc il appert qu’on se trompait depuis le début sur la pauvre Elphaba : finalement, c’était pas elle, la Méchante, M majuscule, comme dans « Mince alors, mais du coup, pourquoi tant de haine ? » À cause de son teint brocoli, bien sûr. Largement développée dans le premier volet, la question du racisme (et de toutes les discriminations) semble aussi brûlante dans les décors de bonbonnière du pays d’Oz que dans notre monde à nous. Green is the new black, et, au début de ce second épisode, notre Elphaba (la magnétique et puissante Cynthia Erivo) s’est rebellée façon activiste solitaire, superpouvoirs et cordes vocales magiques au service des opprimés. Glinda, son ancienne copine de Poudlard, pardon, de l’école de magie d’Oz, elle, est au contraire devenue l’égérie du régime, la Gentille Sorcière du Sud — interprétée par une Ariana Grande toute rose, en équilibre gracile entre Barbie et Bambi.
Grand tourbillon de scènes spectaculaires, de décors d’une irréelle suavité, et, bien sûr, de grands numéros de chant (pas un titre culte, de No Place Like Home à For Good ou Wonderful, ne manque au catalogue), ce divertissement géant orchestré par Jon M. Chu (Crazy Rich Asians, D’où l’on vient) est encore plus engagé que le premier, sous ses froufrous, ses mille idées visuelles et ses effets spéciaux de conte de fées. Oz est une dictature, dirigée par un faux magicien retors (la performance matoise de Jeff Goldblum est un vrai bonheur) et son âme damnée (Michelle Yeoh), qui utilisent des méthodes de manipulation très… contemporaines pour attiser la haine, et faire d’Elphaba l’ennemie numéro un du pays. Ou comment s’amuser et s’émerveiller, tout en dénonçant l’ère des fake news et de la post-vérité.
S’il y a bien quelques longueurs, on les trouve plutôt dans les régions sentimentales de cet Oz réinventé. On somnole un peu pendant la scène d’amour très sucrée entre Elphaba et son beau prince Fiyero (Jonathan « Bridgerton » Bailey), et plus encore devant les interminables vocalises d’adieux larmoyants des deux sorcières rivales. Qu’importe : après un bouquet final qui raccroche habilement les wagons de la comédie musicale d’aujourd’hui à celle de 1939, on quitte le pays d’Oz avec des paillettes plein les yeux, et une conscience politique quasi repeinte à neuf (en vert, bien sûr). Goodbye, Yellow Brick Road, comme disait Elton John.
Telerama

